« Le Conseil d’état interprète strictement le délai dans lequel une entreprise doit transmettre son mémoire en réclamation en cas de désaccord sur le décompte général : la copie au maître d’œuvre compte tout autant !« Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 02/02/2024, 471122
De quoi parlons-nous ?
Nous parlons de marché de travaux soumis au CCAG Travaux de 2009 et du délai dont dispose une entreprise pour remettre un mémoire en réclamation en cas de réclamation sur le décompte général du marché.
En effet, l’entreprise dispose de 45 jours à compter de la notification du décompte général pour l’accepter ou le contester. A défaut, l’entreprise est réputée avoir accepté le décompte et il devient le décompte général et définitif. L’entreprise ne peut motiver ses réclamations que par la remise d’un mémoire en réclamation (voir articles 13.4.4 et 13.4.5 du CCAG Travaux de 2009).
Quelle est l’histoire ?
C’est l’histoire d’une entreprise qui se voit notifier son décompte général par l’acheteur le 10 mai. En désaccord avec ce décompte, elle souhaite porter une réclamation à l’acheteur.
En pareille hypothèse, le CCAG Travaux prévoit que l’entreprise doit alors rédiger un mémoire en réclamation et le transmettre à l’acheteur, avec copie au maître d’œuvre, dans un délai de 45 jours à compter de la notification du décompte général (article 50.1.1 du CCAG Travaux de 2009).
L’entreprise s’exécute et transmet son mémoire en réclamation mais n’adresse copie de ce mémoire au maître d’œuvre que le 25 juin. L’acheteur oppose donc une remise hors délai du mémoire en réclamation et ne statue pas dessus.
L’entreprise engage alors une procédure contentieuse et voit sa demande rejetée par le tribunal administratif. Ce rejet est ensuite confirmé par la cour administrative d’appel, et l’entreprise se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’Etat.
Qu’en pense le Conseil d’Etat ?
Le Conseil d’Etat effectue un simple calcul calendaire en la matière : entre le 10 mai et le 25 juin il y a 46 jours qui se sont écoulés, l’entreprise était donc bien hors délai. Le décompte général était devenu définitif, la requête de l’entreprise ne pouvait qu’être irrecevable.
Mais l’apport de cet arrêt réside surtout dans le fait que le Conseil d’Etat établit que le délai de transmission d’un mémoire en réclamation doit être strictement respecté tant pour l’envoi à l’acheteur que pour l’envoi de la copie au maître d’œuvre.
Cet arrêt s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de décompte et de mémoire en réclamation en marché de travaux : une interprétation littérale de la règlementation et du contrat.
Le CCAG Travaux de 2021, en vigueur aujourd’hui, prévoit dorénavant un délai de 30 jours pour remettre le mémoire en réclamation mais l’apport de cet arrêt est tout à fait transposable en droit positif puisque les dispositions du CCAG Travaux 2021 reprennent une rédaction identique à celui de 2009 sur ces points.