Le Tribunal administratif annule, dans son ensemble, une procédure de passation en raison d’un critère de sélection technique privé de toute portée, en ce qu’il n’a pour finalité qu’une vérification de la conformité de l’offre aux exigences techniques du CCTP.
De quoi parlons-nous ?
Il est question de la portée des critères de notation des offres. Leur but est de permettre de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. Pour rappel, une méthode de notation est irrégulière lorsque, en violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, les éléments utilisés pour évaluer un critère n’ont pas de lien avec ce critère, ou lorsqu’ils diffèrent de ceux communiqués aux candidats dans les documents de consultation, ou encore lorsque la combinaison de ces éléments prive le critère de sa portée ou neutralise sa pondération.
Quelle est l’histoire ?
Le département de Saône-et-Loire a engagé, le 17 février 2025, une procédure d’appel d’offres ouvert pour un accord-cadre portant sur des solutions logicielles et la maintenance de bornes tactiles. Pour le lot n° 1, relatif à une solution logicielle de création et de publication de contenus, plusieurs opérateurs ont concouru, dont les sociétés Cartel et Mobile Développement. Par courrier du 13 mai 2025, la société Cartel a été informée du rejet de son offre et de l’attribution du lot à la société Mobile Développement.
La société Cartel demande l’annulation de la procédure et soutient qu’en retenant des sous-critères formulés de manière imprécise et redondante, qui ne permettaient pas d’identifier clairement les attentes de l’acheteur, le département de Saône-et-Loire a manqué à ses obligations de publicité, de mise en concurrence et d’égalité de traitement des candidats.
L’article 6 du règlement de consultation prévoit deux critères d’évaluation des offres : le critère « fonctionnalités » (65 %) et le critère « prix » (35 %). Le critère « fonctionnalités » est lui-même subdivisé en quatre sous-critères, évalués via un questionnaire de 26 questions portant sur les prestations attendues, certaines données spécifiques, les options et le back-office, soit un alignement quasi à l’identique par rapport aux prestations détaillées dans le CCTP.
Qu’en pense le tribunal administratif ?
Le juge administratif fait une analyse en faits très détaillée. En s’appuyant sur les offres elles-mêmes, l’analyse faite par le département et les documents de la consultation, il annule la procédure de passation dans son ensemble.
L’analyse des items du questionnaire et des fonctionnalités exigées montre que les 26 questions correspondant aux sous-critères reprenaient exactement les exigences techniques du CCTP. Ces exigences étaient complétées et précisées dans le questionnaire fonctionnel, annexé au CCTP, servant de base à l’évaluation du critère n° 1 pour tous les candidats.
Ainsi, le critère n° 1, pondéré à 65 %, ne permettait pas de différencier véritablement la valeur technique des offres, puisque tous les candidats devaient proposer des prestations conformes au CCTP et au questionnaire fonctionnel, et pouvaient obtenir les mêmes points sur presque toutes les questions, à l’exception du sous-critère « Options », qui ne représentait que 1,3 % de la note globale.
En se fondant sur ce critère pour évaluer les offres, le pouvoir adjudicateur a vidé de sa portée le critère n° 1. Étant donné son poids prépondérant, son utilisation telle qu’elle a été mise en œuvre pouvait conduire à ce que la meilleure note ne corresponde pas à la meilleure offre, et donc à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas sélectionnée.
Acheteur public, des critères de sélection précis, oui, mais attention à ne pas glisser vers une grille de lecture de la conformité technique de l’offre au CCTP, au risque de se voir annuler toute la procédure pour un critère en réalité privé de portée.
Pour en savoir plus : Tribunal administratif de Dijon, 11 juillet 2025, n° 2501824