Dans le cadre d’un marché public de travaux de réfection et de réhabilitation d’immeubles comprenant des prestations d’isolation thermique par l’extérieur, un organisme public de l’habitat (OPH), assisté d’un maître d’œuvre, a conclu deux lots relatifs à ces travaux avec une entreprise.
Le CCAP prévoyait expressément que les entreprises étaient tenues de vérifier la justesse du quantitatif avant la remise de leur offre, précisant qu’aucune réclamation ne pourrait être prise en compte après la signature du marché.
Lors de l’exécution, l’entreprise titulaire a constaté que les surfaces à isoler avaient été sous-évaluées dans la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) établie par le maître d’œuvre. Elle a alors sollicité le paiement de prestations supplémentaires.
Ses demandes indemnitaires ayant été rejetées par l’acheteur au stade du décompte général définitif, l’entreprise a saisi le tribunal administratif afin d’obtenir le versement de 965 348,40 € TTC en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi.
Par un jugement du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a partiellement fait droit à sa demande, en retenant une faute partagée :
- L’entreprise supportera 30 % de son préjudice,
- Le maître d’œuvre est condamné à indemniser le titulaire à hauteur de 70 %,
- La responsabilité de l’acheteur est écartée.
Ce jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Lyon, dans un arrêt du 30 janvier 2025 (n° 23LY03969). La cour retient la responsabilité quasi-délictuelle du maître d’œuvre, nonobstant l’obligation contractuelle faite à l’entreprise de vérifier les quantitatifs avant de remettre son offre.
La cour relève en effet que :
« L’entreprise a elle-même commis une faute, en ne s’assurant pas, comme il lui incombait, de l’exactitude du quantitatif figurant dans les documents du marché avant de présenter son offre. (…) Cette faute n’est pas de nature à l’exonérer totalement de sa propre responsabilité, mais seulement à en réduire la portée. »
Ce qu’il faut retenir :
- L’entreprise titulaire a commis une faute en ne détectant pas l’incohérence entre les surfaces indiquées dans la DPGF et celles prévues dans le CCTP.
- La responsabilité du maître d’œuvre est engagée, malgré l’obligation de vérification pesant sur l’entreprise, en raison d’une sous-évaluation manifeste des quantités.
- Faute partagée : l’élaboration erronée de la DPGF relève du maître d’œuvre ; l’absence de vérification incombe à l’entreprise.
Conséquence : répartition du préjudice à hauteur de 70 % pour le maître d’œuvre et 30 % pour l’entreprise.
- Aucune faute de l’acheteur : l’erreur n’est pas imputable à une mauvaise définition des besoins de sa part.
- Le prix global et forfaitaire du marché exclut tout paiement supplémentaire par l’acheteur, mais n’empêche pas la reconnaissance d’un manquement fautif du maître d’œuvre.
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